30 octobre 2017
Journée technique à Bron sur l'adaptation au changement climatique
Cerema
Le jeudi 19 octobre 2017 à Bron avait lieu une journée technique sur l’adaptation des territoires au changement climatique. Les objectifs étaient de faire un point sur les impacts du changement climatique dans les deux régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes, d’illustrer les enjeux et les possibilités d’adaptation dans différents domaines et à différentes échelles (bâtiments, gestion de l’eau, aménagement urbain, projets de territoire), et de présenter des outils pouvant aider les collectivités à planifier les actions d’adaptation qu’elles auront décidées sur leur territoire.

Cette première journée proposée sur ce thème par le Cerema avec ses partenaires pour nos régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes a vocation à être reproduite dans les différentes régions comme une des premières actions du Centre de Ressources national pour l’adaptation au changement climatique , en cours de construction et piloté par le Cerema.

 

Impacts et enjeux de l’adaptation au changement climatique dans nos régions

Alterre Bourgogne-Franche-Comté est une association loi 1901, qui coordonne les observations sur les émissions de gaz à effet de serre et la biodiversité, et opère également en tant que centre de ressources, formateur, fournisseur d’appuis méthodologiques et d’études, tout en favorisant les liens entre les acteurs des territoires impliqués dans l’adaptation au changement climatique.

En Auvergne-Rhône-Alpes, un observatoire régional des effets du changement climatique (ORECC) a été mis en place, financé par l’État, la DREAL, la Région, l’ADEME et les agences de l’eau Rhône-Mediterranée-Corse et Loire-Bretagne.

Le Cerema, avec l’Agence régionale Energie-Environnement (AURA-EE) et Météo France, est l’un des opérateurs de cet observatoire, qui permet de définir et de suivre des indicateurs, d’effectuer une veille sur les effets du changement climatique, et de diffuser les connaissances en la matière.

En ouverture de la journée, Anne-Cerise Tissot, d’Alterre Bourgogne-Franche-Comté et Anne Luminet, d’AURA-EE, ont présenté dans une intervention à deux voix ce que l‘on sait des effets constatés du changement climatique en Auvergne Rhône-Alpes et en Bourgogne Franche-Comté.

copie d'écran site ORECC

 

Évolution des températures :

En Bourgogne Il a été observé que les températures moyennes annuelles ont augmenté de plus de 1°C en Bourgogne, avec une augmentation marquée depuis 1987-1988. En Auvergne-Rhône-Alpes les températures ont augmenté de 2°C entre 1959 et 2016, avec également une accélération nette depuis le milieu des années 1980. Les indicateurs suivis par l’ORECC montrent également une augmentation des épisodes de fortes chaleurs, une augmentation des températures maximales, une baisse du nombre de jours de gel et une baisse de l’enneigement en moyenne et basse altitude.

Ces phénomènes ont un impact sur les activités humaines, sur l’eau, sur l’air et la biodiversité, et par conséquent sur l’aménagement du territoire.

 

Impact du changement climatique sur l’eau :

Les analyses ne font pas apparaître de modification statistiquement significative des précipitations.

En Bourgogne le projet multi-partenarial HYCCARE Bourgogne a fourni plusieurs résultats intéressants concernant l’impact sur l’eau de l’évolution du climat. Il a été observé sur 13 bassins versants une baisse des débits importante depuis le milieu des années 1980. La sécheresse des cours d’eau apparaît plus tôt dans l’année, notamment en raison de l’évapotranspiration accrue des plantes, due à l’élévation moyenne des températures et à l’allongement de la période de végétation.

En Auvergne-Rhône-Alpes le bilan hydrique montre également une baisse importante des débits des cours d’eau, surtout au printemps et en été.

Le réchauffement implique donc un risque de tensions sur la ressource en eau. Les épisodes de pénurie doivent être anticipés car ils seront plus fréquents et d’une ampleur plus importante. « Il faut passer d’une gestion de l’offre à une gestion de la demande en eau  », a insisté Anne-Cerise Tissot, d’Alterre Bourgogne-Franche-Comté, car les conflits d’usage augmenteront avec la diminution de la ressource en eau.

 

Impacts sur l’activité humaine, la biodiversité, la santé et les risques :

En Auvergne-Rhône-Alpes, l’ORECC évalue les impacts sur différentes activités, comme la fréquentation des stations de ski, le tourisme d’eau et les sports nautiques.

Par exemple en Ardèche, où les températures ont augmenté en moyenne de 2,5°C depuis 60 ans, et où des restrictions d’eau ont lieu quasiment tout l’été, la baisse du débit des rivières aura un impact sur les sports nautiques : aujourd’hui les étiages, les lâchers de barrages sont déjà indispensables pour les sports d’eau dans la région.

Il existe encore beaucoup d’incertitudes quant à l’impact du changement climatique sur la biodiversité et on ignore également quelle sera la capacité d’adaptation des espèces. Mais un des axes d’action est de favoriser l’adaptation des espèces et la connexion entre les espèces. En effet on peut anticiper les effets suivants :

  • Décalage des rythmes et comportements saisonniers (avancement de la floraison de nombreuses espèces, avancement des dates de migration et de reproduction d’espèces animales).
  • Remontée en altitude des aires de répartition de la faune.
  • Désynchronisation des interactions entre les espèces en raison des changements de rythmes.

Le décalage des rythmes saisonniers, mais aussi l’augmentation des taux de CO2, auront un impact sur les activités agricoles qui reste à évaluer. Les pratiques ont déjà évolué : les vendanges ont lieu aujourd’hui de 13 à 14 jours plus tôt que dans les années 1970. Et la question de la pérennité des cépages locaux et patrimoniaux, comme le Pinot noir en Bourgogne, se pose déjà avec acuité.

Sans qu’ils ne soient encore vraiment quantifiables, les impacts sur la santé et sur les risques naturels sont à anticiper :

  • Augmentation du risque de canicule, amplifié par l’effet des îlots de chaleur urbains
  • Dégradation du confort de vie en été
  • Modification de la qualité de l’air
  • Modification de la qualité de l’eau
  • Apparition probable de maladies exotiques et de variétés de plantes exotiques invasives
  • Augmentation du risque d’inondations
  • Augmentation du phénomène de retrait-gonflement des argiles
  • Augmentation des risques d’incendie (ce risque a augmenté de 48% en Ardèche et de 33% dans le Rhône depuis le milieu des années 1980).

Les pistes d’action sont variées : il est possible d’agir sur l’urbanisme, sur les systèmes d’alerte, sur la prévention, sur la culture du risque auprès du public et des entreprises. Ces impacts du changement climatique varient selon les territoires, mais une chose est sûre : ils vont s’amplifier. En effet, les simulations effectuées sur la base des scenarios du GIECC montrent que le réchauffement climatique va se poursuivre a minima jusqu’en 2050. Son ampleur dépendra toutefois des politiques mises en place.

Il faut donc réaliser des analyses locales, territoire par territoire, de l’impact du changement climatique et prendre des mesures d’atténuation couplées avec des mesures d’adaptation.

 

Vision des enjeux au niveau national

Les grands axes et objectifs du 2e plan d’action national d’adaptation au changement climatique, qui devrait être adopté fin 2017 ont fait l’objet d’une rapide présentation vidéo par Sylvain Mondon (ONERC). Parmi les actions prévues au niveau national figure la création d’un centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique piloté par le Cerema.

Sylvain Mondon de l'ONERC présente le 2 e plan d'adaptation au changement climatique PNACC

Puis, Roland Nussbaum de la mission risques naturels des sociétés d’assurances a expliqué comment les assureurs évaluent les impacts potentiels du changement climatique sur le secteur des assurances.

La mission risques naturels a été créée par les sociétés d’assurance après 1999, année où une importante tempête et des inondations faisaient suite à une période d’une dizaine d’années de sécheresse. La mission a repris les coûts liés aux sinistres des 25 dernières années, et a réalisé des projections en tenant compte des évolutions climatiques et socio-économiques, ce qui amène à un probable doublement des coûts d’ici à 2040, soit 92 milliards d’euros sur les prochains 25 ans, contre 48 milliards sur les 25 précédentes années. Le réchauffement climatique sera la deuxième cause d’augmentation de ces coûts (pour 13 milliards d’euros), derrière l’augmentation de la richesse des territoires.

Route inondée

D’ici à 2040, les assureurs prévoient une probable augmentation des coûts liés aux tempêtes de 36%, de 114% pour les coûts liés aux inondations, et de 162% des coûts liés à la sécheresse. Suite à ces constats, des propositions d’actions ont été élaborées, des outils pour aider les entreprises et les autorités à connaitre et anticiper les risques ont été diffusés afin de sensibiliser les acteurs. Notamment 
le principe « Build back better » (reconstruire mieux) est mis en avant, afin de s’adapter aux conditions extrêmes qui risquent d’être plus fréquentes avec le changement climatique.

Les assureurs ont également développé un outil qui permet de connaître les sinistres précis à l’échelle du bâti, en fonction des différents phénomènes. Cet outil permet à la fois d’anticiper les coûts et d’adapter les nouvelles constructions. 

 

Des outils pour la planification de l’adaptation dans les territoires

Nathalie Fürst du Cerema a présenté les attendus réglementaires du volet adaptation demandés dans les PCAET : diagnostic de vulnérabilité, plan d’actions et suivi-évaluation. Le principal message est que le diagnostic doit être rapide et aider à discerner les grandes priorités d’action pour que les parties plan d’actions et suivi-évaluation soient privilégiées. Elle a également présenté les articulations utiles et nécessaire entre le PCAET et les différents documents de stratégie et de planification nationaux et locaux.

Agnès Tamburini a présenté deux outils développés par Météo France permettant d’acopie d'écran du site de Météo France Climat HDider les territoires dans leur exercice de diagnostic de vulnérabilité . Climat HD (HD comme « Hier et Demain ») permet de bénéficier de façon très simple et sans risque de mauvaise interprétation de cartes commentées régionales sur les effets projetés du changement climatique pour différents indicateurs.

DRIAS est un outil plus technique (le parcours expert nécessite une formation) cartographique et interactif qui donne accès aux différents scenarios climatiques selon divers indicateurs et qui permet de mener ses propres analyses sur un territoire donné à la maille minimale d’un département.

Comme illustration Anne Hilleret du Cerema a présenté deux études conduites par le Cerema sur les départements de l’Isère et de l’Ain montrant les résultats pouvant être tirés de l’outil DRIAS. Le témoignage du Conseil départemental de l’Isère a confirmé l’intérêt de ce type d’étude pour la sensibilisation notamment des élus en charge des décisions.

Christophe Chaix, de l’observatoire Savoyard du Changement climatique a ensuite souhaité illustrer certains concepts par la mise en pratique des actions de planification dans les territoires de moyenne montagne. Son message principal est que mettre en œuvre des actions d’adaptation n’est ni plus ni moins qu’une façon de penser le développement durable des territoires en intégrant dans les raisonnements la contrainte supplémentaire du changement climatique. Par ailleurs, la réussite des actions est intimement liée à la faculté d’organiser la transition sur les territoires en impliquant de façon participative l’ensemble des acteurs, dans des exercices de prospectives territoriales qui fabriquent des trajectoires souhaitables et partagées et qui suscitent la mise en mouvement de chacun à son échelle. 

 

Actions concrètes d’adaptation

La gare de Bellegarde : Parmi les actions d’adaptation au changement climatique, l’exemple de la gare bioclimatique de Bellegarde a été présenté par son concepteur Bruno Deck et le responsable de l’entreprise chargée de la régulation thermique de la gare Ludovic Jacquet. Il s’agit d’un dôme béton + bois avec un système de circulation d’air frais et d’air chaud qui fonctionne à l’aide de volets que l’on ouvre et que l’on ferme pour maintenir une température agréable.

Gare de Bellegarde
La gare de Bellegarde - Credit: Karadoc

L’ensemble du dôme est recouvert de coussins en TFE (Tétrafluoroéthylène), insensible aux rayons solaires (le matériau reste stable) de 20 centimètres d’épaisseur dans lesquels de l’air est insufflé. Il est équipé d’un puits canadien qui permet de faire passer l’air dans le sol afin de le refroidir, quand l’air chaud est évacué par le haut du dôme. 
Le dôme stocke l’air réchauffé par les rayons du soleil. Le bâtiment est équipé de nombreuses sondes pour contrôler la température et commander l’ouverture ou la fermeture des volets, il n’y a donc aucun mécanisme consommateur d’énergie pour chauffer ou refroidir l’air. Le bâtiment affiche une consommation d’énergie très basse pour un bâtiment de cette taille. En revanche, la maintenance doit être adaptée au fonctionnement particulier de ce bâtiment.

Les enseignements sont très positifs : bâtiment peu cher, très efficace énergétiquement et très agréable pour les usagers, très simple techniquement, et qui redonne du sens au travail des entreprises du fait des nécessaires réflexion et adaptation des process à l’unicité du bâtiment qui doit s’adapter en permanence à son environnement.

 

Réutilisation des eaux usées : Catherine NEEL du Cerema a d’abord présenté les enjeux du changement climatique par rapport à la ressource en eau. Les projections montrent une augmentation de 15% du phénomène d’évapotranspiration d’ici à 2070, avec un impact négatif sur la quantité d’eau infiltrée dans le sol, et donc sur le niveau des réservoirs d’eau ainsi que des zones aquifères. Aujourd’hui, les eaux usées traitées sont majoritairement rejetées dans les cours d’eau. L’objectif est de les utiliser pour d’autres besoins (agriculture, espaces verts, …).

arrosage d'un champ

Aujourd’hui, 39 départements développent des projets de réutilisation des eaux usées traitées, essentiellement dans l’ouest le sud-est de la France. Catherine Neel a présenté plusieurs actions de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) menées localement :

  • Noirmoutier : les eaux usées traitées ont été utilisées pour irriguer des cultures, notamment des pommes de terre de Noirmoutiers, permettant de pérenniser la filière. L’eau traitée est deux fois moins chère que l’eau normale (0,5 ct par mètre cube).
  • Porquerolles : un verger conservatoire de 10 hectares est irrigué par les eaux usées traitées issues de la station d’épuration toute proche.
  • Clermont-Ferrand : dans une zone ayant peu de ressource en eau, les agriculteurs ont utilisé l’eau qui a servi à nettoyer les betteraves. 600 hectares sont ainsi irrigués. Mais, avec le changement climatique, la récolte et le lavage des betteraves a lieu de plus en plus tôt dans l’année, alors que les récoltes ont lieu de plus en plus tard, soulevant des questions sur cette organisation.

Actuellement, les eaux usées traitées utilisées le sont à 40% dans l’agriculture, à 40% pour l’irrigation de golfs, et à 10% pour l’entretien d’espaces verts en ville. Il existe des réticences de la part des filières professionnelles à utiliser les eaux usées traitées. Un projet de recherche mené par l’INRA est en cours, Irri-Alt’eau, afin de montrer l’intérêt d’utiliser des eaux usées traitées pour l’irrigation des vignes.

Le potentiel de développement est important : en France, on utilise aujourd’hui 9 millions de m3 d’eaux usées traitées chaque année, alors que le potentiel est évalué à 600 millions de m3 par an.

Pour développer l’utilisation des eaux usées traitées, il faut analyser la vulnérabilité et quantifier les bénéfices pour l’ensemble du territoire et des activités. Toutefois, il faut privilégier en amont les mesures d’économies de la ressource en eau, et développer une approche intégrée de la planification et de la gestion de l’eau.

 

Nature en Ville : Un film pédagogique réalisé par le Cerema a été diffusé, montrant l’intérêt d’utiliser la végétation dans les aménagements urbains, comme régulateur thermique notamment grâce à son effet sur la diminution de l’effet d’îlots de chaleur urbain et explicitant les mécanismes physiques et biologiques en jeu.

La nature en ville comme élément de confort climatique

Présentation du centre de ressources pour l’adaptation au le changement climatique :

Ce centre national de ressources, dont les grands principes ont été présentés par Elsa Delcombel du Cerema, a pour but de donner aux acteurs des territoires et de l’aménagement des informations et des ressources sur les solutions d’adaptation possibles, et de mettre en visibilité les initiatives menées localement.

Bien que le pilotage soit confié au Cerema, un partenariat national devra être concrétisé pour sa gouvernance notamment avec l’ADEME, Météo France, et des associations de collectivités pour assurer la pertinence et son utilité pour l’ensemble des acteurs.

Développé dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), une première version du centre national de ressource sera en ligne au premier semestre 2018. Il s’agit d’un dispositif complet comportant une plateforme web qui recensera des études, des offres de formation, et différents types de ressources mais qui se veut aussi être un espace d’échanges et d’animation par l’organisation de différents évènements dont cette journée est un premier exemple.

Dans un premier temps, les thématiques traitées seront celles maîtrisées par le Cerema (aménagement urbain, bâtiment, mobilité, transports, infrastructures, environnement, planification, mer et littoral, risques, …) . Puis, d’autres thématiques pourront intégrer la plateforme (par exemple agriculture, forêts et bois, activités économiques, tourisme, santé, réseaux, sécurité civile, …). Des partenariats seront mis en place au fur-et-à-mesure pour développer ces nouvelles thématiques. 

 

Les présentations de la journée