1 mars 2022
Vue de la passerelle sous le pont longeant un pilier
Cerema
À la suite de désordres constatés sur une des poutres du pont sur la Fautaua à Papeete (Tahiti), et compte-tenu des fragilités connues de ce type d’ouvrage (VIPP), la direction de l’Équipement de Polynésie Française a commandé un diagnostic du pont. Ce diagnostic, réalisé conjointement par le laboratoire polynésien LTPP et le Cerema, a conduit à la nécessité de réduire la circulation sur l’ouvrage dans l’attente de travaux de renforcement.

Le pont de Fautaua, situé sur la commune de Papeete (île de Tahiti), permet le franchissement de la rivière Fautaua en extrémité de l'avenue Prince Hinoï. Cet ouvrage est constitué de deux tabliers indépendants aux caractéristiques géométriques similaires : un tablier amont (sens de circulation Papeete – Pirae) et un tablier aval (sens de circulation Pirae – Papeete).

 

La nécessité d'un diagnostic structurel complet

À la suite d’une inspection visuelle réalisée en janvier 2017 après des intempéries, des désordres ont été constatés sur l’une des poutres de l’ouvrage : zones d’éclatement du béton en sous-face de poutre, deux à trois gaines de précontrainte visibles avec des câbles apparents, fissuration longitudinale faisant la jonction entre ces zones d’éclatement, cavités dans le béton d’enrobage, etc.

Vue des cables apparents et du béton abimé sous le tablier
Crédits photos : collectivité de la Polynésie française - Cerema Méditerranée/GOAP

 

Le pont de Fautaua fait partie de la famille des VIPP ("Viaducs à travées Indépendantes à Poutres Préfabriquées précontraintes par post-tension"). D’une manière générale, ce type d’ouvrage est considéré comme étant une structure à risque (voir encart ci-dessous). 

En l’absence de dossier d’ouvrage, la méthode d’analyse des risques appliquée aux VIPP préconise la réalisation d’un diagnostic reposant sur des investigations réalisées sur l’ouvrage. Par ailleurs, celui-ci présentant des pathologies importantes, ces pathologies pouvaient être de nature à affaiblir la résistance de l'ouvrage, rendant nécessaire une évaluation structurale (recalcul de portance).

La direction de l’Équipement de Polynésie Française, maître d’ouvrage et gestionnaire de l’ouvrage, a confié au Laboratoire des Travaux Publics de Polynésie (LTPP) et au Cerema, la réalisation d’un diagnostic structurel de l’ouvrage. Cette mission comprenait : la définition du programme d’investigations adapté à l’ouvrage, la réalisation sur site puis en laboratoire des investigations et essais nécessaires, la réalisation d’une évaluation structurale (recalcul et vérification de l’ouvrage) et la production de prescriptions de suites à donner.
 

Premières investigations sur l'ouvrage et recalculs d'évaluation structurale

En l’absence de données sur l’ouvrage, des investigations approfondies ont été réalisées par les équipes du LTPP et du Cerema au cours de l’année 2020 :

  • relevés géométriques exhaustifs,
  • relevé complet de l’ensemble des pathologies,
  • contrôle de l’implantation des câbles de précontrainte par radar,
  • mesures de tension résiduelle dans les câbles et auscultation visuelle de la précontrainte,
  • prélèvement d’échantillons de béton,
  • réalisation d’essais de résistance à la compression et caractérisation chimique des bétons,
  • reconnaissance des épaisseurs de chaussée, etc.

 

Vue des désordres et d'essais de tension des cables
Vue des désordres et essai de tension des câbles à l'arbalète  - crédit photos : Cerema Méditerranée/GOAP

 

Ces investigations ont révélé des anomalies concernant la poutre n°4 (poutre extérieure côté TPC du tablier amont), notamment :

  • Un câblage de précontrainte différent de celui de la poutre similaire du tablier voisin,
  • Des défauts de bétonnage,
  • Une résistance à la compression du béton nettement plus faible que pour le reste de l’ouvrage.

Les données collectées ont permis le recalcul de l’ouvrage (évaluation structurale). Ces calculs, réalisés par le Cerema, ont été menés conformément aux normes en vigueur (normes Eurocodes, normes comprenant les règles de calculs de structures les plus récentes et les règlements de charges les plus représentatifs des charges de trafic actuelles) avec toutefois des adaptations s’agissant de l’étude d’un ouvrage existant (conformément aux recommandations du guide Cerema "conception des réparations structurales et des renforcements des ouvrages d’art" de 2015).
 

crédit captures d’écran des logiciels de recalcul et modélisation de l'ouvrage: Cerema Méditerranée/GECOA
Crédit captures d’écran : Cerema Méditerranée/GECOA

 

Ces calculs ont permis de conclure que la sécurité structurale de la poutre n°4 (poutre de rive côté TPC du tablier amont) n’était pas assurée en raison de la précontrainte anormale relevée sur cette poutre et de la très faible résistance du béton mesurée lors de ces premières investigations. 

Afin de statuer sur la résistance structurale de cette poutre, des investigations complémentaires ont été proposées par le Cerema et réalisées en 2021 par le Laboratoire des Travaux Publics de Polynésie (LTPP) (prélèvements complémentaires et nouveaux essais de résistance à la compression). Les résultats de ces investigations ont confirmé la très faible résistance du béton de la poutre n°4 (résistance anormalement basse pour ce type de structure).

 

La décision de limiter l'exploitation sur un des tabliers

Vue des panneaux de limitation avant le pont
Panneaux de limitations avant le pont - Crédit  Collectivité de la Polynésie française

Compte tenu de ces résultats, et afin de garantir la sécurité structurale de l’ouvrage dans l’attente des travaux de réparation, une étude de conditions d’exploitation réduites provisoires compatibles avec la résistance effective de cette poutre n°4 a été réalisée par le Cerema.

En concertation avec la direction de l’Équipement de Polynésie Française, maître d’ouvrage et gestionnaire de l’ouvrage, les conditions de circulation réduites suivantes ont été retenues sur le tablier amont (sens Papeete – Pirae) :

  • Circulation normale (véhicules légers et poids lourds) sur la voie de droite,
  • Interdiction de circulation des poids lourds sur la voie de gauche,
  • Aucune circulation de convoi exceptionnel sur l’ouvrage.
     

Pour aller plus loin : les VIPP, des structures particulièrement surveillées 

couverture de l'ouvrageCompte tenu de leur âge, de leur conception, voire des modifications éventuelles des conditions d’exploitation, les ouvrages de type VIPP ("Viaducs à travées Indépendantes à Poutres Préfabriquées précontraintes par post-tension") présentent, de manière récurrente, des désordres caractéristiques pouvant fragiliser leur structure, et remettre en cause leur niveau de service, voire la sécurité des usagers.

Le réseau scientifique et technique du ministère a mis au point une méthodologie d’analyse des risques spécialement adaptée à ce type d’ouvrage (cf. guide "Analyse des risques appliquée aux viaducs à travées indépendantes en poutres précontraintes (VIPP)", Sétra, 2010).

Cette méthode permet d’analyser les ouvrages de type VIPP, d’identifier les ouvrages les plus sensibles et de préconiser les mesures à prendre pour limiter au maximum les risques pour la structure et les usagers. Cette méthode repose sur l’analyse du dossier de l’ouvrage afin de classer l’ouvrage comme étant réputé à risque ou non.

En l’absence de dossier d’ouvrage, la méthode d’analyse de risques appliquée aux VIPP préconise la réalisation d’un diagnostic reposant sur des investigations réalisées sur l’ouvrage conformément au guide méthodologique de surveillance et d'auscultation des viaducs à travées indépendantes à poutres précontraintes (VIPP) (LCPC, 2001).

Par ailleurs, le guide « Évaluation structurale et réparation des Viaducs à travées Indépendantes à Poutres Préfabriquées précontraintes par post-tension (VIPP) » (Cerema, 2021) s’adresse à tout maître d’ouvrage gestionnaire de VIPP et à ses services, en explicitant les règles de calculs à appliquer pour réaliser une évaluation structurale de ce type d’ouvrage. Il fournit en outre des recommandations pour la réparation et le renforcement des ouvrages par différentes techniques.

En l’absence de dossier d’ouvrage, la méthode d’analyse de risques appliquée aux VIPP préconise la réalisation d’un diagnostic reposant sur des investigations réalisées sur l’ouvrage conformément au guide méthodologique de surveillance et d'auscultation des viaducs à travées indépendantes à poutres précontraintes (VIPP) (LCPC, 2001).

Par ailleurs, le guide "Évaluation structurale et réparation des Viaducs à travées Indépendantes à Poutres Préfabriquées précontraintes par post-tension (VIPP)" (Cerema, 2021) s’adresse à tout maître d’ouvrage gestionnaire de VIPP et à ses services, en explicitant les règles de calculs à appliquer pour réaliser une évaluation structurale de ce type d’ouvrage. Il fournit en outre des recommandations pour la réparation et le renforcement des ouvrages par différentes techniques.
 

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