8 novembre 2019
Biodiversité et eau
Le Cerema a organisé le 8 octobre 2019 une matinée technique sur le thème "Eau et biodiversité". Elle visait à présenter les modalités du partenariat entre le Cerema et l'Agence de l'Eau Artois Picardie et les différentes études réalisées avec le soutien de l’Agence depuis 3 ans en matière de biodiversité et de continuités écologiques.

Le Cerema nourrit depuis 2016 un partenariat avec l’Agence de l’Eau Artois-Picardie visant à développer la connaissance et mettre en œuvre, expérimenter et conforter une démarche de recherche appliquée sur les thèmes de la GEMAPI, qualité des milieux aquatiques, biodiversité… sur le territoire du bassin Artois Picardie. Le Cerema a organisé, dans ce cadre, le 8 octobre 2019 une conférence sur le thème « Eau et biodiversité » afin de présenter les modalités du partenariat entre les deux établissements et les nombreuses études réalisées avec le soutien de l’Agence depuis 3 ans.

Cette matinée à destination des acteurs locaux de la gestion de l’eau et de la biodiversité a rassemblé une cinquantaine de participants, parmi lesquels des collectivités territoriales, des représentants des services de l’État, des établissements publics, des associations, des industriels et des acteurs scientifiques, leur permettant des échanges fructueux autour des sujets techniques et retours d’expériences présentés sur des thèmes aussi variés que la qualité des sédiments des cours d’eau du bassin Artois Picardie, l’organisation de la gouvernance Gemapi sur le territoire, les infrastructures et les continuités écologiques, etc.

A la suite de la présentation sur l’« Évaluation de la qualité des sédiments des cours d'eau du bassin Artois-Picardie en lien avec les objectifs d'atteinte du bon état chimique et écologique » par Emilie Prygiel (Cerema Hauts-de-France), les échanges ont permis d’aborder les substances non encore évaluées qui seraient susceptibles de compromettre l’atteinte du bon état chimique et écologique des cours d’eau du bassin Artois-Picardie. Parmi ces nouveaux contaminants émergents sont notamment considérés les médicaments, la caféine ou encore les micro-plastiques.

Les compléments sollicités suite à l’exposé « Les communautés d’agglomération de La Porte du Hainaut et de Valenciennes Métropole face à la compétence GEMAPI » illustrent également les échanges nourris qui ont suivi les différentes présentations. Bruno Kerloc’h (Cerema Hauts-de-France) et Agnès Fontier (CA La Porte du Hainaut) ont ainsi élargi leur retour d’expérience aux relations avec les différents partenaires de la Porte du Hainaut pour compléter leur propos sur la solidarité amont et aval, induite par l’exercice de la compétence Gemapi, voire des collaborations transfrontalières avec les communes belges voisines.

Les autres exposés ont également animé la salle en particulier sur les conditions de mise en œuvre des mesures de restauration des continuités écologiques aux abords des infrastructures.

Les retours très positifs de cette conférence mettent l’accent sur la richesse des compétences partagées et la capacité du Cerema à se saisir des besoins du territoire, à travers des projets collaboratifs, en lien étroit avec les collectivités et les acteurs du domaine de l’eau et de la biodiversité, pour les traduire en réflexions méthodologiques à visée opérationnelle au service des territoires.

 

Une étude sur une réserve naturelle en milieu urbain aux Marais d'Isle de Saint-Quentin

Cette réserve naturelle naturelle de 47,4 hectares, la seule en milieu urbain, est située à Saint-Quentin. Elle est traversée par la Somme et a un grand étang. A travers un partenariat entre l'Agence de l'Eau et le Cerema, une étude destinée à effectuer un suivi de la qualité du milieu sur la Somme et le marais d'Isle a été lancée en 2017.

Bouée de surface sur le marais de Saint-QUentin
Bouée utilisée pour l'étude, sur le marais- Cerema

Les objectifs de  ces travaux étaient :

  • évaluer l'impact des rejets pluviaux de mars à mai dans la Somme et ses affluents,
  • l'impact d'une vanne située en sortie de marais (de mars à mai),
  • de suivre la qualité de l'eau et des sédiments le long de l'hydrosystème avec des points de mesure dans la Somme et dans le marais, une fois par mois durant un an,
  • étudier le fonctionnement biologique du marais grâce à une bouée automatique qui mesurait les paramètres physico chimiques et biologiques des eaux de surface, notamment le développement des algues, les concentrations en nutriments. 

Evaluer la qualité des sédiments des cours d'eau dans le bassin Artois-Picardie

Marais et vanne de sortie à Saint-QuentinL'étude précédente sur le Marais d'Isle a conclu que l'euthropisation [1] du site peut être entretenue par le phosphore contenu dans les sédiments. Des analyses menées à l'échelle du bassin ont ensuite montré que les sédiments sont diversement enrichis en phosphore, et que cela se produit surtout dans les canaux.

Afin d'évaluer la qualité des sédiments et donc les risques d'euthropisation, en vue de protéger les milieux, une étude a été menée par le Cerema.

La réglementation impose de surveiller l'état des eaux, de suivre l'évolution sur le long terme des sédiments et des substances qui peuvent s'y accumuler, et de limiter l'augmentation de ces substances. Les concentrations en métaux et contaminants et leur évolution ont été observées sur l'ensemble des cours d'eau du bassin.

Lors d'épisodes pluvieux et de forts courants, les sédiments sont remis en suspension et les contaminants se dispersent dans l'eau. Plusieurs travaux de recherche menés dans le bassin Artois-Picardie ont permis d'améliorer la connaissance sur les impacts des mouvements de sédiments et de ces contaminants, mais ces études restent à compléter et des outils, notamment chimiques et biologiques, sont encore à développer.

 

Les communautés d'agglomération de la Porte du Hainaut et de Valenciennes Métropole et la GEMAPI

Le compétence Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) entraîne des missions nouvelles pour les intercommunalités qui ont pris la compétence:

  • L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ;
  • L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau
  • La défense contre les inondations et contre la mer ;
  • La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
Carte des enjeux du bassin de l'Ecaillon en termes de prévention des inondations
Cartes des enjeux "prévention des inondations" d'un bassin versant 

Les communautés d’agglomération de La Porte du Hainaut et de Valenciennes Métropole se sont associées pour définir une vision commune des enjeux de leurs territoires dans le cadre de la compétence GEMAPI, et ont répondu à l'appel à partenariats du Cerema et d'Irstea lancé en 2016, pour un accompagnement dans la mise en place de la gouvernance et de la compétence.

Tout d'abord, il a fallu connaître les milieux aquatiques du bassin ainsi que leur fonctionnement, de même que l'état des milieux aquatiques, afin d'avoir les moyens de définir une stratégie.

Pour accompagner cette démarche, le Cerema a développé une méthode en plusieurs étapes, et en concertation avec les acteurs du territoire:

  • Établir un état des lieux et un diagnostic du territoire dans le domaine de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques et de la prévention des inondations
    • Détermination des bassins versants,
    • Gouvernance actuelle : entretiens avec les acteurs (syndicats, EPCI, …),
    • Analyse multicritère innovante permettant de classer les enjeux "gestion des milieux aquatiques" et "prévention des inondations" des bassins versants en 3 niveaux.
  • Proposer aux élus des scénarios de prise de compétence de la GEMAPI.

Des choix de gouvernance ont pu être faits, notamment déléguer ou transférer la compétence GEMAPI à deux futurs syndicats mixtes de bassins versants, dont le périmètre d'intervention augmente.

 

Une filière pour valoriser la renouée du japon

Tas de Renouée du Japon en bordure de cours d'eau
Renouée du japon en bord de cours d'eau - Wikimedia Commons

La renouée du Japon est une espèce exotique envahissante qui se disperse rapidement et impacte la biodiversité. Elle est de plus en plus présente en France, notamment le long des cours d'eau et des routes. En 2018, le Cerema a réalisé une étude afin d'identifier une filière pour exploiter les exports de coupe de renouée du Japon dans la région Hauts-de-France.

Les déchets de fauche de renouée du Japon ont un caractère dangereux et ne doivent pas être disséminés, et des précautions doivent être prises pour le fauchage, le transport et le stockage.

Il est possible de les utiliser en méthanisation. Il reste une importante fraction de carbone non dégradée dans le digestat (ce qui est favorable à l'épandage), qui peut être réutilisé brut ou après traitement, en granulés ou séché.

L'étude de faisabilité a permis de formuler des recommandations pour valoriser les déchets de fauche de la renouée du Japon par méthanisation, à via une démarche en cinq étapes:

  1. Localiser les foyers de renouée asiatique sous emprise,
  2. Evaluer le volume de renouée à faucher et à méthaniser,
  3. Localiser et contacter les unités de méthanisation à 20-30 km des foyers de nouée ou des sites de stockage intermédiaire,
  4. Evaluer les dépenses liées au processus (retrait des déchets, matériel, fauchage, mise en sécurité, transport, formation des agents...)
  5. Evaluer les gains et services liés aux processus (économies et recettes, sécurité, image, valorisation des métiers, biodiversité...).

Des retours d'expérience auprès des gestionnaires ont été capitalisés sur ce sujet afin d'approfondir les données sur les coûts, les surfaces et volumes notamment.

Restaurer les continuités écologiques

Critères pour restaurer les continuités écologiques au niveau des infrastructures de transport

vue du passage sous la route avant les travaux
Vue du passage concerné par le projet

Le Cerema a travaillé sur l'aménagement d'un passage à faune dans une forêt, et sur les critères éco-éthologiques [2] à prendre en compte pour restaurer des continuités écologiques au droit des ouvrages de franchissement des infrastructures de transport, cela dans le cadre de deux appels à initiatives pour la biodiversité présentés à l’Agence de l’Eau Artois-Picardie. 

Les critères éco-éthologiques sont les facteurs qui incitent les animaux à franchir les infrastructures, et les critères de sélection de leur habitat. Par rapport au franchissement des routes, voies de chemins de fer, ponts etc., plusieurs facteurs influençant les espèces ont été identifiés:

  • La largeur de la voie de circulation
  • Le revêtement du sol
  • L’importance du trafic
  • Le bruit
  • La lumière
  • Les odeurs
  • La présence de barrières : grillages, glissières en béton
  • La discontinuité entre milieux naturels et artificiels….

Cette approche a été appliquée pour le projet de continuité écologique en forêt de Raismes, pour l'aménagement d'un passage inférieur destiné aux animaux. Ce passage se trouve sous une route qui coupe la forêt en deux. Des préconisations d'aménagement ont été réalisées, en fonction des espèces présentes et de la structure du passage.

Proposition d'aménagement avec des talus végétalisés ajoutés sur les bords
Proposition d'aménagement du passage

Avant de réaliser les travaux, une étude partenariale a été réalisée avec les acteurs concernés par le projet. Il est apparu grâce à un "piège photographique" que le passage était surtout utilisé par les humains, mais qu'une variété d'animaux y circulait également, notamment des amphibiens très nombreux dans ce secteur et huit espèces de chauves souris.

Des inventaires ont été effectués pour identifier les différentes espèces présentes sur le site, par enregistrement d'ultra-sons et observations par caméras thermiques, puis des solutions pour restaurer au mieux la continuité écologique et guider les animaux vers le passage ont été envisagées.

Application d'un outil de carte de chaleur aux chiroptères

L'Agence de l'Eau Artois Piardie a financé une étude en trois volets sur les chiroptères (chauves-souris), menée en partenariat entre le Cerema, la Coordination Mammologique du Nord de la France (CMNF) et Picardie Nature, deux associations.

Carte de la densité d’habitats potentiellement favorables aux chiroptères en Hauts de France
Carte de la densité d’habitats potentiellement favorables aux chiroptères en Hauts de France.

Cette étude comportait trois volets:

  • Réaliser des cartes de chaleur des milieux potentiellement propices aux chiroptères, en fonction de leur importance, 
  • Réaliser une note sur la problématique chiroptères et ouvrages d’art à destination des gestionnaires d’ouvrages d’art,
  • Effectuer des observations et écoutes de terrain pour comprendre le comportement des chiroptères en bord de route.

Pour réaliser les cartes de chaleur à l'échelle de la région Hauts-de-France, permettant d'identifier géographiquement les principales zones potentielles de présence d’un enjeu chiroptère et de définir un indicateur d'aide à la décision, il a fallu mettre au point une méthodologie. L'objectif était aussi que ces cartes puissent être recoupées avec celles issues d'autres bases de données.

Cette méthodologique basée sur la méthode Qgis est facilement reproductible. Des cartes à l'échelle régionales et départementale ont été produites et ont permis de sélectionner les sites tests pour le 3e volet du projet.

Conflits entre continuités écologiques et infrastructures de transport

Cette étude s'inscrivait dans le cadre des réflexions autour du Schéma Régional de Cohérence Ecologique, et visait à définir et à prioriser les zones de conflits entre les continuités écologiques et les infrastructures de transport (routes, canaux, voies de chemin de fer).

visualisation des zones de fragmentation
Visualisation des zones de fragmentation

Une méthodologie a été définie pour permettre une étude sur le Nord-Pas-de-Calais, en cumulant les fragmentations. Elle a été testée sur trois écopaysages.

Une note d'intérêt a été attribuée à chaque type d'habitat, et une note de "pouvoir fragmentant" a été attribuée à chaque infrastructure de transport. Des cartes indiquant l'importance des zones de conflit ont été réalisées pour évaluer les pertes de connexion au sein des zones d'habitat, et identifier les secteurs prioritaires d'intervention.

Ces cartes peuvent être utilisées par les gestionnaires d'infrastructures, les collectivités et services de l'Etat, les aménageurs, pour prendre en compte les zones de fragmentation de l'habitat. 


[1] L'eutrophisation est le processus par lequel des nutriments (azote, phosphore principalement) s'accumulent dans un milieu ou un habitat. Les causes sont variées et peuvent interagir.

[2] L'éco-éthologie consiste à étudier le comportement d'un animal, en relation avec sa survie et son succès reproducteur, de manière notamment à identifier son adaptation à son environnement.