23 septembre 2019
centrale géothermique de Chelles
@DICOM
Depuis fin 2018, le Cerema accompagne le ministère en charge des EcoQuartiers sur l'approche en coût global. En mars 2019, un deuxième groupe de travail a eu lieu sur les réseaux de chaleur. Les objectifs de ce groupe de travail est de réunir les collectivités, leurs opérateurs, les partenaires et les services de l’État intéressés par le sujet afin d’échanger sur leurs expériences et produire collectivement des enseignements à destination de l’ensemble du club EcoQuartier.

Ce deuxième groupe de travail fait suite au premier groupe de travail sur les réseaux de chaleur qui a eu lieu le 26 septembre 2018. A l’issue de ce premier séminaire, il est apparu nécessaire de proposer un deuxième temps d’échanges autour des 4 problématiques ressorties du premier temps de travail.

  • 1- Les réseaux de chaleur, un levier pour augmenter la part des énergies renouvelables, notamment dans les ÉcoQuartiers ?

  • 2- Les réseaux de chaleur : quelles réponses pour les ÉcoQuartiers en milieu rural ?

  • 3- Les difficultés (et les leviers) pour articuler projet d'ÉcoQuartier et réseau de chaleur ?

  • 4- Les réseaux de chaleur, combien ça coûte pour l'usager final ?

Retour sur le premier séminaire

Parmi les difficultés d’une approche en coût global dans un projet d’aménagement se trouvent la multitude des acteurs concernés et les questions de temporalité. Ce ne sont pas forcément les mêmes acteurs qui payent l’investissement et le fonctionnement par exemple.

Dans le cadre de ce groupe de travail, il a été décidé de travailler objet par objet. Ainsi concernant les réseaux de chaleur, le Cerema a proposé une identification des coûts pour les différents acteurs concernés par les réseaux de chaleur ainsi que les interactions entre ces acteurs. Puis les participants ont appliqué ce cadre d'analyse à leur propre projet.

Cette première journée avait aussi permis à la métropole de Rouen de présenter ses différents réseaux de chaleur, dont celui de l'EcoQuartier Lucilie.

Mathias Berry du Cerema a présenté les résultats de son étude la pertinence technique et économique des réseaux de chaleur dans les EcoQuartiers, basée sur l’analyse approfondie de 5 réseaux de chaleur. Cette présentation a permis de se poser des questions sur :

  • le coût pour les usagers
  • le bon dimensionnement des réseaux
  • sur l’impact des décalages de calendrier des bâtiments sur les réseaux
  • sur la rentabilité pour les exploitants

Accès à l'article sur l'étude et à l'étude

A l’issue de ce premier séminaire, il est apparu nécessaire de proposer un deuxième temps d’échanges autour des 4 problématiques ressorties du premier temps de travail :
 1- Les réseaux de chaleur, un levier pour augmenter la part des énergies renouvelables, notamment dans les ÉcoQuartiers ?
 2- Les réseaux de chaleur : quelles réponses pour les ÉcoQuartiers en milieu rural ?
 3- Les difficultés (et les leviers) pour articuler projet d'ÉcoQuartier et réseau de chaleur ?
 4- Les réseaux de chaleur, combien ça coûte pour l'usager final ?

Actualités réglementaires – Laurent Cadiou - Direction Générale Energie Climat au ministère de la transition écologique

La législation européenne sur l’énergie est en cours de refonte avec une nouvelle directive pour la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables du 11/12/18. Elle propose un objectif contraignant de 32 % d’énergie renouvelable ou de récupération à l’échéance 2023. La chaleur et le froid sont intégrés dans cette directive. Elle prévoit aussi un sous-objectif de 1,3% d’augmentation annuelle à partir de 2016.
Il n’y a pas d’objectifs déclinés par pays mais cette directive va être transposée en droit français dans ce cadre une nouvelle Programmation Pluriannuelle Energétique (PPE) sur une double période de deux ans : 2019 - 2023 2024 – 2028 avec un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et de tourner le dos aux énergie fossile. Cette dernière est en cours de consultation et devrait être annoncée fin 2019.
Concernant les réseaux de chaleur, il y a un fort objectif sur la filière Chaleur. Parmi les mesures envisagées en faveur des filières énergies renouvelables, on peut citer l'obligation de réaliser des études de faisabilité dans toutes les villes > 10000 habitants, l'intégration des énergies renouvelables dans les politiques et les documents d’urbanisme, la promotion du classement des réseaux, le maintien de la TVA à 5,5 %, l'extension du fond chaleur aux réseaux de froid et le  renforcement du fond chaleur de 2018 à 2022.

DGEC
Cliquez sur l'image pour voir la présentation

 

1/ Les réseaux de chaleur, un levier pour augmenter la part des énergies renouvelables, notamment dans les ÉcoQuartiers ? Avec une intervention de David Canal - ADEME

Fonctionnement du fond chaleur

L'ADEME accompagne aujourd'hui le développement des réseaux de chaleur, en ingenierie (aide à la décision) et en investissement. Depuis 2018, les réseaux de froid sont aussi éligibles dans certaines conditions.

Pour aller plus loin, voir la présentation ou le site de l'ADEME : Fond Chaleur

ADEME
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Mettre en place un réseau de chaleur dans un EcoQuartier : comment s'y prendre ?
• Temps 1: Faire une étude d’approvisionnement très en amont pour voir où sont les ressources sur le territoire → La première chose est de regarder s’il y a un réseau de chaleur existant et/ ou s’il y a un quartier dense à proximité.
• Temps 2: Dans la phase opérationnelle, faire en sorte que la préparation amont soit la plus avancée possible avant de recruter un opérateur. Plus les données sont précises, plus l’opérateur pourra faire un prix compétitif pour créer le réseau (il aura moins besoin de prendre des marges de risque).
• Pour dimensionner, il faut faire des simulations thermiques dynamiques pour arriver à un dimensionnement optimum (ne pas se baser sur un calcul réglementaire qui n’est pas fait pour ça et qui n’intègre pas tous les usages).

Les facteurs clefs pour un réseau de chaleur :
• Influence de la densité à périmètre constant : la densité énergétique/thermique est un facteur déterminant (en dessous de 1,5MW/ml, pas de soutien du fond chaleur sauf exception avec des technologies nouvelles avec des canalisations très isolées qui ne sont pas en acier). Cette densité est différente de la densité urbaine (lgt/ha ou COS). C’est bien la forme urbaine qui fait la  pertinence du réseau de chaleur. Il faudrait faire en sorte que la forme urbaine soit concertée avec l’énergéticien.

• Etudier très finement la question du phasage du réseau en lien avec le phasage de l’opération. Il est important de proposer des études par tranche et qu’à chacune des phases, le prix de vente reste compétitif. Des solutions techniques existent.

• Possibilité de mutualiser les travaux de réseaux de chaleur et d’aménagement de voirie : cela se révèle compliqué pour des questions de planning et d’assurance (voir GT1), mais ça reste possible si c’est prévu dans les cahiers de charges de concession. Des exemples existent. Une clause  existe également dans le règlement du fond chaleur pour faire des investissements anticipés : ouverture de tranchée possible avant l’arrivée des promoteurs et de la production.
• Il existe également des solutions techniques pour faire passer les réseaux sous le bâtiment en vide sanitaire. C’est techniquement intéressant. Des participants relèvent la difficulté opérationnelle.. Les exemples qui existent sont le résultat de beaucoup de contraintes techniques : c’est généralement une solution très coûteuse et qui implique des imbrications programmatiques complexes.

• Concernant la température du réseau, EcoQuartier = réseau en basse température (moins de déperdition et optimisation du rendement)

• Un des avantages du réseau de chaleur est la mutualisation et le foisonnement. On peut réguler plus facilement les pics d’appel de puissance. L’hydro-accumulation permet par exemple de déphaser les appels de puissances.

• Dans les principes du fond chaleur de l’ADEME, les énergies renouvelables les plus intéressantes par ordre de priorité pour les réseaux de chaleur sont: 1) la chaleur fatale / 2) la géothermie 3) la biomasse.

Il y a de nombreux exemples de récupération sur chaleur fatale dans l’industrie . L’ADEME a de nombreux exemples. Il faut être vigilant sur les échelles de temps.

Un exemple qui se développe dans les EcoQuartier : la boucle d’eau tempérée
Le principe est celui d’une boucle d’eau tempéré qui circule entre les bâtiments. Des pompes à chaleur sont présentes à l’intérieur des bâtiments. Il profite des calories de la boucle d’eau tempéré.
Il existe 8 boucles d’eau tempéré en France. Les exemples fonctionnent (Voir l’exemple de Lille Saint Sauveur présenté au Réseau national des aménageurs en mars 2018). L’AFPG (association française des professionnels de la géothermie) a publié un guide sur les boucles d’eau tempérées.
Cette solution sembre particulièrement pertinente pour s’adapter à un phasage incertain et pour les EcoQuartiers qui ont des besoins faibles.
Concernant les aides par le fond chaleur, Les boucles d’eau seront éligibles. La méthode va être publié prochainement.

Boucle
Illustration du principe de boucle d'eau tempérée - crédit: ADEME

Classement des réseaux de chaleur
Pour faciliter le déploiement d'un réseau de chaleur, il peut être intéressant de le classer. Une vingtaine de réseaux sont d’ores et déjà classés. Le classement permet d’obliger les nouveaux bâtiments à se raccorder sauf à faire la preuve qu’une autre solution d'énergie renouvelable est possible et rentable.
Dans le cadre d’une opération d’aménagement, on peut faire à peu près la même chose au travers du cahier des charges de cession de terrain en ZAC ou en lotissement.

2/ Les réseaux de chaleur : quelles réponses pour les ÉcoQuartiers en milieu rural ? Avec une intervention de Mathias Berry - Cerema

De la présentation de Mathias Berry sur le projet de réseau de chaleur dans la commune de Chuyer (42), 800 habitants avec un projet d’EcoQuartier de 40-50 logements environ, il ressort qu'il reste difficile aujourd'hui de réussir des petits projets de réseau de chaleur en milieu rural.

La collectivité avait un projet de boucle d’eau tempérée, alimentée par une géothermie sèche (200m). Pour le réseau de chaleur, la mairie ne trouvait pas d’exploitant. Les acteurs locaux ont décidé de monter une SAS (avec des capitaux privés, des capitaux publics et du financement participatif). Le réseau est dimensionné pour 300ml, avec 76 % d'énergie renouvelable (géothermie).

Malgré les aides dont a bénéficié la commune en ingénierie et en soutien financier, le projet reste difficile à faire sortir.

Dans tous les cas, il ressort de cet exemple qu'il est nécessaire d'avoir un soutien politique fort et de se faire accompagner. Le problème de ce type de projet est qu'ils ont rarement la taille critique pour porter le projet d’un point de vue technique et financier.

3/ Les difficultés (et les leviers) pour articuler projet d'ÉcoQuartier et réseau de chaleur ? Avec une intervention de Jean-Christophe Daragon - Euroméditerranée

Parmi les difficultés récurrentes des projets de réseau de chaleur dans les EcoQuartiers, remontent celle du phasage et donc de la bonne articulation entre projet d'aménagement et projet de réseau de chaleur.

Euroméditerranée est une Opération d'Intéret Nationale (OIN) créée en 1995 qui se matérialise au travers de plusieurs opérations d'aménagement en ZAC.

Suite à plusieurs études sur le sujet, il est ressorti que l'eau de mer était une ressource mobilisable importante qui permettait de tenir les objectifs du projet en matière d'énergie renouvelable. Historiquement il y a eu un projet de boucle sur l’hôtel de ville à Marseille, un autre pour le MUCEM et la villa Méditerranée, puis 2 boucles ont été développées sur  Euroméditerranée 2 : Thassalia (Suez) et Optimal solutions (EDF).

Enseignements et points de vigilance
Sur Marseille, ce sont des opérateurs privés qui portent les réseaux de chaleur. La collectivité a peu de moyens, par conséquent, il faut que le modèle s’autofinance car peu de subvention publique possible. Ce modèle est moins subventionné que le type concessif (avec des avantages et des inconvénients).
L’aménageur valide les solutions techniques et promet une stabilisation du projet urbain. Les cahiers des charges « incitateurs » n’imposent pas le raccordement mais impose un taux d’ENR de 70 %, l’interdiction des pompes à chaleur air/air et des chaufferies bois (qualité de l’air)… donc en fait, seule la boucle à eau de mer permet d’atteindre les exigences…. Donc ce sont les externalités qui permettent de justifier le choix EnR. Mais l’aménageur accompagne aussi les opérateurs si les prix leur semblent trop fort. Pour les opérateurs, l'OIN apporte aussi un cadre rassurant (coût de transaction, phasage opérationnel, une programmation …).
Pour les promoteurs, il y a un enjeu de communication sur la transition écologique.

Entre les 2 boucles, les coûts de raccordement sont globalement les mêmes. L’aménageur avait demandé que le coût de raccordement soit à peu près les mêmes que pour gaz et froid. Après les 2 réseaux n’ont pas les mêmes parts fixes et variables. Il y a aussi un accompagnement : suivi énergétique, coaching urbain.

Le réseau semi-centralisé a quelques contraintes. Cela fonctionne quand il y a des macrolots, mais sinon cela peut être compliqué.

Thalasso
Principe d'un réseau de chaleur en thalassothermie


Avantages de la thalassothermie
Pour la collectivité :
- Limiter le phénomène d’ilot de chaleur urbain, même si ce n’est pas énorme (-0,5°C d’après une étude météo France)
- Dépasser les « 3x20 » : réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20% de la consommation et réaliser 20% d'économies d'énergie.
- Anticiper la RT 2020
- Limitation des émissions de fluides frigorigènes et produits chimiques dûes aux climatisations.

Pour les promoteurs :
- optimiser la performance énergétique et économique des projets immobiliers
- dégager des surfaces complémentaires
- améliorer l’image et l’attractivité → valeur verte

Pour l’utilisateur
- facture plus basse (-20 % par rapport aux systèmes standards mais c’est à prendre avec précaution du fait de la baisse du gaz)
- se détacher du renchérissement des énergies fossiles (augmentation des prix des l’électricité estimée à ± 7 % par an pendant 10 ans)
- limiter les coûts de gestion, entretien, maintenance et gros renouvellement
Il y a par contre des enjeux de réversibilité des systèmes pour anticiper les évolutions.

Facteurs clés de succès
- Un aménageur solide avec une programmation claier
- La densité urbaine, donc énergétique. Cela peut se faire avec la densité d’Euromed.
- Attractivité économique du réseau : droit de raccordement et prix de vente de l’énergie
(TVA à 5,5 % et indexation).

Comment garantir les prix dans le temps avec un opérateur privé ? Devenir du réseau ?
Chaque promoteur signe un contrat (5-10 ans) avec le fournisseur avec un prix garanti dans le temps (avec clauses de révision de prix). Et l’aménageur a regardé attentivement le sujet.
L’autre levier reste la convention entre la métropole et les fournisseurs pour avoir un retour d’expérience annuel et des factures types.

euromed
Cliquez sur la présentation pour l'ouvrir

 

4/ Les réseaux de chaleur, combien ça coûte pour l'usager final ? Avec une intervention de Laurène DAGALLIER - AMORCE

Le dernier sujet abordé lors de cette journée était le coût pour l'usager final.

Laurène DAGALLIER, de l'association AMORCE a présenté une approche en coût global, du point de vue de l'usager final, des différentes solutions d'énergie.

Pour comprendre le coût des différentes solutions, il faut une approche en coût global mais qui reste  difficile : quelle hypothèse de calcul ? Quel prix de l’énergie, notamment énergie fossile ?

Il ressort de sa présentation que pour les bâtiments peu performants, la solution la plus intéressante reste la solution gaz collective, suivis des solutions réseaux de chaleur. Dans les bâtiments neufs, il y a des compteurs individuels de chauffage, mais pas dans l’ancien, ce qui n’incite pas les usagers à changer de pratiques.
Pour les bâtiments RT2005, la solution réseau de chaleur est un peu plus intéressante que le gaz.
Pour les bâtiments RT2012, ils ont « utilisé » le coté vertueux du réseau de chaleur pour diminuer la performance de l’enveloppe des bâtiments raccordés à un réseau de chaleur par rapport à un bâtiment chauffé à l’électricité. Cela suppose que l’acheteur achète plus cher un logement chauffé à l’électricité. Cette hypothèse paraît contradictoire avec les réalités du marché et l’écart de coût de construction lié à l’enveloppe très relatif au regard du coût d’autres postes comme le stationnement. Il serait intéressant de vérifier sur des opérations réelles l’impact des solutions énergétiques sur les prix de sortie des opérations et sur les coûts de construction.

Dans tous les cas, il y a un enjeu d’informations des usagers sur les termes de comparaison. Amorce a publié « 9 propositions » pour améliorer les relations avec les abonnés et les usagers.

Avec la RT 2020, l’impact de l’enveloppe ne rentrera plus en compte mais il va y avoir des enjeux sur le contenu carbone des différentes solutions (notamment de l’électricité).

D'autres publications et outils sont disponibles sur le site internet d'AMORCE.

Amorce
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Perspectives du groupe de travail

Les travaux du groupe de travail "approche en coût global dans les EcoQuartiers" devraient se poursuivre en 2020 autour des questions d'espace public et de biodiversité.