21 avril 2023
vue aérienne sur la ville de Vichy
L.Plancke
Le 4 avril, le Cerema a organisé un atelier avec une vingtaine de collectivités pour recueillir leurs retours d’expérience et leurs besoins en matière d’adaptation des territoires aux impacts du changement climatique. Ce rendez-vous a permis d’identifier les freins rencontrés, les leviers mobilisés, les besoins, et les pistes de travail pour aller plus loin.

Les participants ont souligné la complexité à laquelle ils font face pour mener une stratégie d’adaptation au changement climatique de leur territoire, que ce soit en termes d’organisation ou de mise en œuvre des politiques publiques. Ils ont exprimé le besoin de partager des outils, des retours d’expérience, d’échanger avec d’autres sur ces sujets.

Les participants, qui d’une manière globale se sentent relativement confiants pour agir sur leur territoire, étaient issus de collectivités de toutes tailles, à différentes échelles (communes, EPCI,PETR, Départements…). Ils ont été questionnés sur leur expérience en termes de compréhension du changement climatique, de coordination, d’application des politiques publiques d’adaptation des territoires au changement climatique, qui ont un caractère transversal.

 

Quels moteurs et quels freins pour l’action en matière d’adaptation ?

utilisation de la boussole de la résilience lors d'ateliers de territoires
L. Rhodde - Cerema

Le premier atelier en sous-groupe a permis dans un premier temps d’interroger les participants sur leur perception des phénomènes climatiques en cours et sur les moteurs de l’action en matière d’adaptation au changement climatique :  les événements climatiques extrêmes apparaissent souvent comme déclencheurs et d’autres moteurs favorisent l’action. Ces moteurs peuvent être regroupés en 6 grandes catégories :

  • Les moteurs d’ordre physique, visibles, comme les événements extrêmes, l’amélioration des conditions de vie par l’adaptation
  • Les moteurs d’ordre politique tels que la volonté des élus et leur envie de répondre aux besoins de la population ou encore les bénéfices directs pour le territoire à s’adapter
  • Les moteurs économiques et financiers, comme le coût de l’inaction, ou l’attractivité renforcée
  • Les moteurs d’ordre sociétaux et culturels, par exemple la mobilisation de la population sur le sujet
  • Les moteurs réglementaires, par exemple concernant les restrictions d’eau
  • Les moteurs techniques, comme un diagnostic de vulnérabilité ou la réalisation d’actions concrètes.

Dans un second temps, les freins rencontrés ont été abordés : les freins structurels, en termes de connaissances, de financements ont été mis en avant. L’absence de scénario prospectif du changement climatique entraîne aussi une incertitude sur les objectifs à atteindre et les délais pour agir. Les participants ont mentionné des freins tels que :

  • Le manque de temps et de moyens humains, 
  • La communication parfois difficile vers certains publics éloignés de ce débat mais qui seront les plus fragilisés par le changement climatique
  • La nécessité d’intégrer les objectifs de transition dans l’ensemble des actions menées sur le territoire et des projets, avec une  vision systémique difficile en raison de l’habitude de travailler en silos.
  • L’aspect parfois contradictoire des réglementations à mettre en œuvre et des objectifs à atteindre.

 

A quoi s’adapter et comment ?

Le second atelier en sous-groupe a permis, en premier lieu, d’interroger les participants sur leur utilisation des projections climatiques lors de l’élaboration de leurs politiques publiques. D’un territoire a un autre, leur utilisation est contrastée car la majorité des territoires peinent à surmonter les difficultés de mobilisation. Des freins techniques ont été remontés : maîtrise complexe des scénarios estimés trop nombreux et se déclinant en un grand nombre de paramètres.

Un manque de données climatiques au niveau de la commune et un manque de scénarios développés pour les territoires d’Outre-mer ont également été cités. Par ailleurs, des freins psychologiques ont été mis en avant notamment le scepticisme sur les projections à long terme qui paraissent "trop alarmistes" tout en étant un frein à l’initiative, de par la peur engendrée par les scénarios catastrophes.

 
Les participants ont énoncé les besoins suivants pour améliorer l’utilisation des projections climatiques :
  • Aider à la compréhension par l’accompagnement technique à la manipulation des projections mais aussi par la formations des élus et des directions aux enjeux du changement climatique ou encore par la simplifications des scénarios et indicateurs accessibles aux non-initiés.
  • Simplifier et fiabiliser la donnée 
  • Territorialiser et concrétiser les conséquences directes sur le cadre de vie, les activités économiques, etc.
  • Donner des moyens en renforçant l’ingénierie et les financements. 

Dans un second temps, les leviers pour mettre en œuvre un plan d’action échelonné dans le temps au regard des impacts climatiques observés ont été discuté. Ces leviers peuvent être regroupés en 5 catégories :

  • ATeliers sur la résilience du territoire à Eaux Bonnes
    Ateliers sur la résilience du territoire à Eaux Bonnes - L. Rhodde Cerema
    Comprendre à quoi le territoire s’adapte via la réalisation d’un bon diagnostic basé sur des projections climatiques appropriées par tous et des données fiables pour échelonner le plan d’action et identifier l’impact des projets. 
  • Définir une vision à partir d’une volonté politique forte dont les priorités d’intervention sont choisies en concertation
  • Passer à l’action au moyen d’un programme d’action pluriannuel, sous forme de trajectoire, dont les actions sont retranscrites dans la planification et les projets  d’aménagement et de construction sont assortis de dispositifs de compensation écologique et environnementale. Garder en tête l’objectif qui est de mettre en sécurité les populations situées dans des zones exposées aux risques naturels et aux conséquences du changement climatique. 
  • Mobiliser des ressources aussi bien financières, qu’humaines et techniques.
  • Coopérer à tout les niveaux. En interne, par l’acculturation de l’ensemble des agents et élus à ces enjeux et la création de groupes de travail inter-services/de réseaux d’ambassadeurs du climat. En externe, par la sensibilisation continue de l’ensemble des parties prenantes et la mobilisation des acteurs pour créer une action commune s’appuyant sur une animation de proximité pour informer, motiver, engager et simplifier. 

L’expérience de la Nièvre 

ville de la Nièvre
Nièvre - Adobestock

Le retour d’expérience du Département de la Nièvre a été présenté rapidement par Blandine Delaporte, première vice-présidente, en charge des transitions et Stéphanie Robinet, DGA Aménagement et développement des territoires. La question de l’adaptation du territoire est intervenue dans le cadre d’une réflexion sur les actions pour répondre à la sécheresse et à son impact sur agriculture. A partir de cette entrée, d’autres problèmes ont été mis en évidence tels que le retrait et gonflement des sols argileux qui impacte les constructions, ainsi que la diminution de la biodiversité due au changement climatique. 

Le Département a fait appel au Cerema pour réaliser un diagnostic des vulnérabilités du territoire, à partir duquel le Conseil Départemental a défini un plan d’action en 3 parties

  1. Révision des politiques publiques du Département pour intégrer l’adaptation au changement climatique 
  2. Reféfinition de l’accompagnement des territoires pour une meilleure prise en compte de l’adaptation avec les partenaires et acteurs, en intégrer l’adaptation au changement climatique dans les outils départementaux, notamment les aides financières. 
  3. Travail sur les méthodes pour adapter le fonctionnement et les ressources du Conseil départemental aux stratégies d’adaptation.

Le spectre de l’action a été élargi et désormais toutes les actions de la collectivité sont concernées par la démarche d’adaptation. Chaque direction du Département  a construit sa feuille de route avec des objectifs à atteindre, indicateurs, partenaires à mobiliser, et a la responsabilité de la mettre en oeuvre. Il y a une volonté de décloisonner la réflexion et l’action, d’impliquer tous les services. 

Quelles thématiques doivent être abordées ?

Ensuite, le travail en sous-groupes, a permis de s’interroger sur les messages que portent les collectivités sur le changement climatique dans leur territoire, les cibles de ces messages, le positionnement des collectivités, le portage politique, les éléments techniques sur lesquels s’appuyer, et sur la gouvernance. Le besoin de coopération a été mis en avant, y compris avec les acteurs externes.

L’échange en atelier a mis en évidence l’intérêt d’aborder l’adaptation au changement climatique de manière concrète par exemple via les risques, en mettant en œuvre des exercices de crise avec des visites sur le terrain, ou encore à travers les sujets qui touchent directement les habitants : l’eau, l’alimentation… 

 

 

A l’issue de ces réflexions,

 

des pistes ont été dégagées
pour faciliter l’action en matière d’adaptation des territoires.
 

 

Différents besoins ont été mis en avant :

 

 

  • Clarifier le discours au niveau national et améliorer la cohérence des politiques publiques qui peuvent sembler contradictoires
  • Assurer des financements à la hauteur de l’enjeu car les collectivités ont besoin de financements pérennes et lisibles, qu’elles peuvent anticiper
  • Définir une stratégie claire et territorialisée qui permettrait de centraliser les outils et d’assurer la cohérence des documents de planification, tout en adaptant les accompagnements, les ressources, les moyens et les solutions aux spécificités territoriales (notamment pour les territoires d’Outre-mer).
  • Outiller et inspirer les territoires en structurant et simplifiant l’accès à la donnée, en développant l’accompagnement par les pairs et le retour d’expérience, en renforçant l’ingénierie d’appui aux collectivités et en remobilisant les savoirs faire des anciens.
  • Mettre en avant des problématiques (retrait gonflement des argiles, impacts sur les territoires environnants, ressource en eau, bâtiments classés, maladies émergentes et déplacement de population malgré l’attrait pour les littoraux) et des moyens d’agir (plus de sociologie, d’accompagnement au changement et de travail sur les imaginaires) insuffisamment traités et mobilisés.